SUFFIT

pilinszky2Si vaste soit la création,
elle est plus étroite qu’une niche.
D’ici à là-bas. Pierre, arbre, maison,
je bricole. J’arrive en avance, en retard.

Parfois pourtant quelqu’un arrive,
et ce qui est, soudain se déploie.
La vue d’un visage suffit, une présence,
et les papiers peints se mettent à saigner.

Suffit, oui, une main suffit
quand elle remue le café
ou “se retire après les présentations”,
suffit, pour oublier l’endroit,
la rangée de fenêtres sans air, oui,
pour qu’en rentrant la nuit dans notre chambre
nous acceptions l’inacceptable.

János Pilinszky (1921-1981), Poèmes choisis, traduit du hongrois par Lorand Gaspar et Sarah Clair, Gallimard, 1982, p. 75.

Photographie © Szebeni Andrs DR

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Le jour est pur

2016-09-26-18-31-42-2“La nuit est sublime, le jour est beau” dit Kant dans ses Observations sur le sentiment du beau et du sublime (1797, traduction de M. David-Ménard, Paris, Garnier-Flammarion, 1990, p. 82). Pour Kant, le jour est pur, la nuit terrifiante et glorieuse.”

Jean Roudaut, “La nuit manuscrite – Note sur “Scolies à propos du Bavard”, Louis-René des Forêts, Oeuvres complètes, p. 618, note 2.

Quand nous aimerons vraiment la Nuit, nous n’aurons plus peur.

Photographie © Marie Alloy, ADAGP.

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Oui, le feuillage

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OUI, LE FEUILLAGE

Oui, le feuillage brille,
le feuillage continue à briller,
et toi tu pends par-dessus
la terre brune, tel un fruit.

Pourtant tu es un homme,
pourtant tu fus homme,
Dieu des chemins.

János Pilinszky, 1921-1981, traduit du hongrois par Lorand Gaspar et Sarah Clair, Poèmes choisis, p. 73, Gallimard, 1982.

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Jan Skácel

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LA SYNAGOGUE DE LOMNICE

Dès que les sept premières étoiles
brilleront au ciel comme un chandelier juif
je penserai
à la synagogue de Lomnice.

Les morts d’autrefois y reposent depuis longtemps
et pour les récents une fumée bleue s’élève
comme dans un rêve
au milieu des pommiers avec une prière.
Qu’est-ce que la sagesse ?
Le parfum du groseillier passe
sur les pointes des pieds sous les pierres,
là où les vieux juifs
couvraient de chapeaux leur piété
à l’ancienne manière.

Avec les années je suis devenu plus sage.
Mais ce qu’est la sagesse – je l’ignore.

Jan Skácel (1922-1989), Ce que le vin sait de nous, La Lettre volée éd., Bruxelles, 1996.
Traduction du tchèque de Jan Rubeš.Jan Skacel

 

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