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C’est tout de même curieux de se trouver dans la nature en même temps que des êtres qui ne pensent à rien et qui agissent dans un merveilleux équilibre et se livrent à des complications fabuleuses, et en somme n’ont de raison de vivre que celle d’exister et d’être superflus.
Les graines sont faites pour être semées. En l’absence de semeur, chaque plante doit se charger de ce travail : problème compliqué du fait que la plante ne peut être le champ que de mouvements très réduits. Or les plantes ne se dispersent pas comme la rouille développée sur une surface métallique et qui gagnerait peu à peu. Elles se trouvent armées de mécanismes de projection, ou les graines de meuvent dans l’air grâce aux techniques de l’hélice, de l’aile du parachute, ou encore elles s’accrochent aux animaux qui passent. Toutes les théories pour expliquer ces faits sont reconnues vaines et particulièrement nuisibles à la recherche scientifique. Je ne discute pas. Je constate que je suis entouré de plantes qui ignorent l’existence des animaux et des propriétés techniques de l’atmosphère, et ne peuvent s’en servir et pourtant possèdent des graines parfaitement véhiculées. La Providence ? C’est l’explication par l’aveu qu’il n’y a pas d’explication et que les pissenlits vivent en dehors des possibilités de notre intelligence.
Comme nous mêmes dont le cœur bat et les yeux voient sans connaître aucune lumière, en dehors de tout convention d’intelligence et de tout langage, même celui de la beauté.
Notre connaissance progresse, mais l’intelligence des insectes et des plantes jamais. Le soleil demeure toujours aveuglément cette grande source de lumière exploitée par l’inconsciente habileté des organismes. Nous voici donc, par notre connaissance même, irrémédiablement séparés de la nature.
André Dhôtel, La Littérature et le hasard, Fata Morgana, 2015, p. 91-92.