RUSE DE MARC-AURELE

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RUSE DE MARC-AURÈLE

“ Je me suis souvent demandé avec étonnement, écrit Marc-Aurèle, pourquoi chacun de nous s’aime plus que tous les autres, et attache cependant moins de prix à son propre jugement sur soi-même qu’à celui des autres. Il est certain que si un Dieu ou un maître sage venait nous ordonner de ne jamais rien concevoir, ni rien penser en nous-mêmes sans aussitôt l’exprimer au-dehors, le crier même, nous ne le supporterions pas un seul jour. Il est donc vrai que nous appréhendons l’opinion du voisin sur nous-même plus que la nôtre.”
On éprouve du raisonnement le passage, et l’endroit difficile. Il faut admettre, ou le reste s’effondre, que c’est sur la même pensée que les autres se prononcent, et nous-mêmes, et donc que cette pensée se peut à volonté porter du dedans au dehors, ou l’inverse : les mots ne marquent pas sur elle, ces mots sont comme s’ils n’étaient pas.
(Je suppose qu’une idée aussi aiguë, et à chaque instant menacée, faisait le souci principal de Marc-Aurèle. Seulement il la voulait faire passer en proposant à l’attention un paradoxe plaisant.)
Les jugements communs sur le mensonge ou la sincérité supposent le même fond : c’est à savoir que l’on parle sa pensée directement, sans intermédiaires, plutôt que de parler ses mots dont l’enchaînement et les jeux pourraient, suivant des lois variées, donner des combinaisons étonnantes.
Il vient de là quelque sentiments curieux : celui, entre autres, de la duplicité du menteur qui, dans le même moment, suppose la morale, pense le vrai et dit le faux. Mais il suffit d’avoir quelque habitude du mensonge pour reconnaître ici une illusion misérable. »

Jean Paulhan, Jacob Cow le pirate ou Si les mots sont des signes, Œuvres complètes, II, p.210.

La vérité c’est le merveilleux

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gravure de Marie Alloy 
en couverture du livre d'André Dhôtel, 
Le Petit Livre clair, 
Deyrolle & Théodore Balmoral éditeurs.

     « Cherchez à mentir, vous trouverez la vérité ; car il est impossible de mentir : une sorte de châtiment s’attache au mensonge. Je ne sais pas quel miracle du langage le langage traque l’erreur, le désaccord.

     Pour mentir longtemps il faut répéter toujours la même chose – et bientôt la répétition devance l’impuissance.

     La vérité se révèle par quelque chose de plus que la cohérence (les mensonges sont cohérents) par un progrès, par la multiplicité des recoupements et des rencontres, par sa chance.

     La vérité c’est le merveilleux : le merveilleux signe du vrai, non de la vérité abstraite, mais la vérité conforme à notre désir essentiel, celle qui est la rencontre des lois du monde et du bonheur. En tout cas nous ne cherchons pas autre chose. Cette vérité favorise l’action hardie, audacieuse, désintéressée et se confond avec l’amour. »

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             Ainsi, en se perdant obstinément dans les mille et un mensonges de l’amour, en poursuivant la quête toujours vaine de la jeune fille qui, les yeux dans les yeux, vous fit la grâce d’un refus définitif, la cherchant et cherchant encore derrière tous les remparts de pierres jaunes, derrière toutes les portes de bois, vous voici devant les cactées dérisoires et poussiéreuses, les végétaux desséchés du Jardin des plantes de Charleville, et là, dans la misérable et glorieuse flaque de soleil, vous découvrez l’absente vainement poursuivie, vous accédez à sa véridique absence : vous êtes au cœur du monde. Il n’y a rien, et tout vous est donné. DSC05277