Si je trahis la confrérie…

Secrets professionnels

Il poursuivit : “J’ai cru pendant quelque temps que l’activité poétique, comme je faisais dire à mon bonhomme, mettant en jeu le tout de l’homme, suffirait à ma vie. J’ai dû déchanter, c’est le cas de le dire. Je suis bien placé pour dire ici, et tant pis si je trahis la confrérie, que l’exercice littéraire dit de nos jours “poésie” est fait pour les neuf dixièmes et plus de bluff éhonté, de mascarade, d’ignorance de tout (du langage, du poids et de la vie des mots et des images, et des idées s’il y en a ; du métier, des moyens ; et surtout du but), d’irresponsabilité, de vanité, d’amour-propre aux dix millions de replis, et de paresse ; c’est-à-dire fait de néants multiformes, d’absences, de creux voilés de vagues mirages. Sinon, oui, ce serait une voie possible. ce serait même la seule voie, mais ce ne serait plus un exercice littéraire.”

René Daumal, Les Pouvoirs de la parole, Essais et Notes, II (1935-1943), édition établie par Claudio Rugafiori, Gallimard, 1972, p. 42.

Lanza del Vasto et René Daumal : souvenirs audios de leur amitié

Vous trouverez ici deux extraits d’une émission de Michel Random diffusée par France Culture (mars 1968). Voir le site de l’Association des amis de Lanza del Vasto.

Lanza del Vasto évoque dans ces entretiens le souvenir de son ami René Daumal :

 

A lire l’ouvrage passionnant de Michel Random (1966)

Merci à Frédéric Richaud et à Jean-Philippe de Tonnac

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André Dhôtel, René Daumal, Arthur Rimbaud

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André Dhôtel, René Daumal, Arthur Rimbaud

     « Daumal dans ses diverses tentatives de dérèglement ou d’austérité, subit le même échec que Rimbaud en ses négations ou contradictions. Il n’en sort pas. Cependant comme lui acquis à une conviction inébranlable : la véritable voie spirituelle est un secret à retrouver, c’est-à-dire un élan originel vers ce qui est autre, vers l’inconnu qui nous échappe et seul peut nous redonner la lumière et le salut.

Cela n’est pas une aliénation (j’ai joué de bons tours à la folie, dit Rimbaud) mais une vision venue de l’extérieur au travers de quelque rupture opérée dans le monde, dans la pensée rationnelle aussi bien qu’irrationnelle.

Il s’agit pour Daumal comme pour Rimbaud de bien autre chose que de combattre la morale constituée, les lieux communs mystiques ou l’idéal prôné par les écoles. Ils ont formé le vœu de se livrer à une étude qui ravive une source première de la pensée, provoque une renaissance inattendue.

Daumal s’affirme comme Rimbaud par un retrait semblable à une défaite mais qui permet de veiller à l’avènement d’une pensée innommable.

Ce qu’ils exigent c’est une présence : la présence de ce qui ou de qui vient d’ailleurs, en dehors de tout intention ou finalité. »

              René Daumal, Lausanne, Editions L’Âge d’homme, collection « Les Dossiers H », février 1993, p. 217 ; repris in « Petite Anthologie rimbaldienne », Cahier André Dhôtel n° 7, « La Route inconnue », Association des Amis d’André Dhôtel, 2010, p. 151. © François Dhôtel, 2010.

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René Daumal par André Dhôtel

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Fallait-il être un Ardennais pour évoquer si parfaitement et si précisément la vie et l’oeuvre d’un autre poète ardennais? Nul ne m’empêchera de le croire. Quelque chose dans cet étrange pays de frontière semble porter à une extrême précision dans l’évocation de l’inconnu. André Dhôtel a rédigé l’article consacré à René Daumal  dans le Nouveau Dictionnaire des Auteurs de tous les temps et de tous les pays, Robert Laffont, 1980. Ce texte est une introduction merveilleuse à une oeuvre difficile entre toutes.

En voici la conclusion:

“La démarche de Daumal se situe donc dans un courant profond où la pensée, depuis Rimbaud, tend à établir que la connaissance essentielle ne peut nous être donnée que par une mystique et même une poésie qui s’affirment comme seule vraie science. A la condition expresse que les croyances et les réalisations de l’art ne cessent d’être interrogées, au cours de notre vie et de notre conduite, la vérité ne peut que parler en nous, dans notre langage, et assurer notre destin au-delà d’un monde dont la réalité exige déjà, à tout instant, une révolution transcendante. Pour quoi Daumal, homme de religion, cherche à renoncer à toute prétention afin d’écouter une parole (aussi bien littéraire) venue d’ailleurs pour nous sauver.”

Nouveau Dictionnaire des Auteurs de tous les temps et de tous les pays, Robert Laffont, 1980, tome I, p. 825.

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