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Dans le visage humain, les yeux nous frappent non pour leur transparence expressive, mais précisément pour le contraire : leur résistance obstinée à l’expression, leur trouble. Et si nous fixons du regard les yeux de l’autre, nous voyons si peu cet autre que ses yeux nous renvoient notre reflet, cette image miniaturisée qui donne son nom à la pupille.
En ce sens, le regard est vraiment « la lie de l’homme », mais ce dépôt de l’humain, cette opacité abyssale, cette misère du visage (dans laquelle l’amant s’égare si souvent, et que l’homme politique sait si bien évaluer pour en faire un instrument de pouvoir) est l’unique sceau de sa spiritualité.
Giorgio Agamben, Idée de la prose, trad. Gérard Macé, Christian Bourgois éd..
L’énigme d’un autre que nous avons croisé, que nous avons cru aimer, ne pas chercher à la réduire par une formule, mais seulement la contempler comme une blessure inguérissable, comme une défaite bénéfique de notre désir de posséder.
Comment prendre le chemin de la contemplation plutôt que celui de la possession, qui de toute façon n’est qu’un leurre ?
La beauté est une énigme, nous voulons la détruire ou la posséder.