Adieu Philippine

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En hommage à Jacques Rozier qui vient de nous quitter, cette évocation d’un des films les plus libres du cinéma français, un des très rares films qui ont osé parler de la guerre d’Algérie.

Adieu Philippine.

Adieu Jacques Rozier – 10 novembre 1926 – 2 juin 2023.

Quand les rares et brèves époques de liberté ont passé, il reste les œuvres qui les ont suscitées !

Chance inouïe d’avoir vécu sa jeunesse dans l’air libre suscité par ces gens-là !


VIEUX FILM

Adieu Philippine, film de 1962, une mauvaise année, est une merveille oubliée de presque tous. L’ennui, les riens de la vie, les paroles comme des fumées, un chien sur le quai, la vie nulle et ouverte, vacante. Les corps, les visages n’étaient pas les mêmes, en ce temps-là. Autre découpage. C’est le corps du monde aussi qui a changé depuis 1962, pas seulement nos corps ou nos esprits. Le monde d’André Dhôtel n’est plus, et pourtant…

Le jeune homme allait prendre le bateau pour un aller peut-être sans retour vers le pays violent où je suis né, le pays de ma mère, que je quittais. Ce chien témoigne, sur le quai, que la vie était toujours possible, même au bord de l’horreur, dans une autre dimension que le vague cousin de Rimbaud a su arpenter avec un regard clair.

Il reste ce chien sur le quai d’un vieux film oublié, ces nuages, et les livres d’André Dhôtel.

Passage des embellies, Éditions Arfuyen, 2020.

Aladin et la bombe merveilleuse

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A l’heure où le très petit despote du Kremlin menace sans cesse le monde d’une apocalypse nucléaire, obsédé qu’il est par la nécessité de revivre les atrocités du XXe siècle, il est bon de relire un bref récit d’un homme qui a vécu deux guerres mondiales., et qui a pu vivre dans sa chair l’horreur de la guerre industrielle.

Missile « Satan 2 »

« Nous nous trouvons dans une situation où nous disposons d’une puissance formidable. Nous n’arrêtons pas de soutirer des choses à la terre : que ce soit du pétrole, de l’uranium, etc. Notre situation ressemble à celle d’Aladin. C’est un jeune homme à qui un magicien a mis un instrument en main, une lampe merveilleuse qui dispose d’une énorme puissance. Il lui suffit de la frotter pour qu’apparaisse un puissant génie qui lui procure ce qu’il veut. Il peut passer commande d’un harem ou se faire construire des palais en une nuit. Nous en sommes également capables. La lampe d’Aladin est en terre cuite ou en cuivre. Et la nôtre aussi vient de la terre, mais elle est en uranium. Si nous la frottons, nous n’obtenons pas de la lumière, nous obtenons plus que de la lumière : des forces monstrueuses. Et qu’est-ce qu’Aladin tire de sa lampe ? Il se fait construire des palais, il fait tout ce qui correspond à une imagination d’enfant. C’est d’ailleurs là que réside le charme de ce conte. Mais il mène finalement une vie médiocre, telle qu’en rêve tout homme médiocre : il mène la vie d’un petit despote […]. Le parallèle me semble très riche de prolongements, dans la même situation. Des énergies monstrueuses viennent à nous, et qu’en faisons-nous ? Au lieu d’édifier un monde magnifique où se réaliseraient de grandes utopies, où, par exemple, plus personne n’aurait besoin de travailler, nous n’y pensons même pas, nous utilisons notre lampe à entasser des stocks de bombes atomiques. »

Ernst Jünger, entretien avec Julien Hervier (Gallimard) à propos de son roman Le Problème d’Aladin, trad. Henri Thomas, Christian Bourgois, 1984.

Mille et Une Nuits · Walter Crane
British Library, London,