David

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[Brinville, samedi] 29 mars [1947]

Cher André,

Je viens de lire David. Avec beaucoup de plaisir. Avec beaucoup d’émotion. Comme tu vas loin par les moyens les plus « simples »! Comme tu sais  faire sentir ce qui ne peut être expliqué : la liberté  et la servitude des coeurs, les rapports entre les hommes et les choses… Et comme j’aime ce chant, un peu endolori, mais pur, et dense, sans lourdeur, qui sort de tes personnages, de ton monde, de toi-même…

Toute mon affection.

Marcel ARLAND

(Cahier André Dhôtel n° 14, André Dhôtel – Marcel Arland, Correspondance, texte établi par Philippe Blanc, préface de Camille Koskas, « La Route inconnue » Association des amis d’André Dhôtel, 2016, p. 45.)

« La banalité des faits divers nous exaltait, et je connus ainsi les premiers gestes de David, qu’on surnomma, à Bermont, l’enfant au coeur insensible. » André Dhôtel, David.

 

 

un peu de désert autour de moi

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648x415_ecrivain-stephane-mallarmeLettre de Stéphane Mallarmé à Michel Baronnet

Paris, le 28 janvier 1888

Mon cher Baronnet,
Vous avez cette intuition amicale du plus vieux de mes rêves, manger quelques dattes chaque jour présentées par une main charitable et vivre sans plus de souci. Il me semble un peu que cela ait lieu, mais plus délectablement que je ne m’attendais, n’ayant pratiqué ce fruit que sirupeux et dû à l’épicier. Vraiment, c’est prodigieux de douceur et du luxe de nutrition qu’on sent y sommeiller. Ces dames, qui se guérissent un rhume avec, vous remercient de grand cœur, comme moi. […]
Je n’ai pas l’impression que vous vous ennuyiez trop, là-bas *, car, outre vos besognes, vous savez vivre seul, même je vous envie, ah ! si le fond de la boîte où s’étagent les dattes répandait un peu de désert autour de moi. […]

Adresse :
Lettre, il faut que tu t’antidates
Pour ne pas trop tard conter qu’on est
Avec ou sans caisse de dattes
Pas plus charmant que Baronnet…
 
* Baronnet était en Afrique du Nord.
Stéphane Mallarmé, Correspondance III 1886-1889, recueillie, classée et annotée par Henri Mondor et Lloyd James Austin, Gallimard, 1969, pp. 167-168.

 

 

 

SUFFIT

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pilinszky2Si vaste soit la création,
elle est plus étroite qu’une niche.
D’ici à là-bas. Pierre, arbre, maison,
je bricole. J’arrive en avance, en retard.

Parfois pourtant quelqu’un arrive,
et ce qui est, soudain se déploie.
La vue d’un visage suffit, une présence,
et les papiers peints se mettent à saigner.

Suffit, oui, une main suffit
quand elle remue le café
ou « se retire après les présentations »,
suffit, pour oublier l’endroit,
la rangée de fenêtres sans air, oui,
pour qu’en rentrant la nuit dans notre chambre
nous acceptions l’inacceptable.

János Pilinszky (1921-1981), Poèmes choisis, traduit du hongrois par Lorand Gaspar et Sarah Clair, Gallimard, 1982, p. 75.

Photographie © Szebeni Andrs DR

Le jour est pur

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2016-09-26-18-31-42-2« La nuit est sublime, le jour est beau » dit Kant dans ses Observations sur le sentiment du beau et du sublime (1797, traduction de M. David-Ménard, Paris, Garnier-Flammarion, 1990, p. 82). Pour Kant, le jour est pur, la nuit terrifiante et glorieuse. »

Jean Roudaut, « La nuit manuscrite – Note sur « Scolies à propos du Bavard », Louis-René des Forêts, Oeuvres complètes, p. 618, note 2.

Quand nous aimerons vraiment la Nuit, nous n’aurons plus peur.

Photographie © Marie Alloy, ADAGP.